
Voilà quatre mois que j’ai emménagé à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis. J’ai longtemps réfléchi à écrire mon expérience d’expatriée dans cette ville. J’ai décidé de me lancer avec ce premier article.
Un peu de culture…
Dubaï est une ville située aux Emirats Arabes Unis.

Cette métropole de 50 km a été construite en 40 ans seulement. On peut attribuer ce fait à la découverte de gisements de pétrole dans les années soixante-dix. N’ayant pas fondée toute son économie dessus, Dubaï a investi dans des infrastructures. Cet investissement a favorisé le tourisme et la venue d’entrepreneurs en finance¹.

Dubaï est une ville principalement connue pour ses innombrables gratte-ciels, ses centres commerciaux, ses îles artificielles et sa vie nocturne.

Elle est le siège de la plus grande tour du monde (La Burj Khalifa) et de l’hôtel le plus cher au monde (La Burj Al Arab).


Le contexte
J’ai toujours vécu en France, en banlieue parisienne (Montreuil représente). J’ai eu la chance d’avoir un emploi en alternance à Paris durant mes deux dernières années d’études. D’ailleurs, c’est grâce à cette société qui m’a recruté que j’ai eu l’opportunité de partir travailler à l’étranger juste après la validation de mon diplôme.
C’est comme ça que je me suis retrouvée dans cette ville… Eh oui, j’avais suggéré à mes employeurs mon envie de partir travailler en Angleterre. Malheureusement pour moi, aucun poste n’était ouvert dans les bureaux de Londres.
Quelques semaines après ma demande, j’ai appris que deux places étaient ouvertes pour mon poste dans un pays du golf persique : Les Émirats Arabes Unis. J’avoue qu’au premier abord, le pays ne m’attirait pas vraiment. J’avais une idée faussée du pays due à une ignorance et à des bruits de couloir. En effet, j’imaginais que c’était un pays autoritaire un peu semblable à l’Arabie Saoudite (enfin… ce que j’ai entendu dire sur l’Arabie Saoudite).
Néanmoins, j’avais une envie monstre de partir de chez moi. Je vivais depuis toujours chez mes parents avec deux de mes trois sœurs. L’une d’elle venait de recevoir son visa de travail pour partir vivre au Canada. Malgré le fait qu’il restait encore ma petite sœur, je ne m’imaginais pas gérer la situation de la maison sans ma grande sœur à mes côtés.
J’ai donc accepté la proposition dès qu’elle m’eut été soumise par mes deux chefs d’équipe.
Mon arrivée à Dubaï
J’ai atterri à Dubaï le 9 novembre 2018 aux alentours de 19 heures. J’étais lâchée dans une ville moderne, sans mes parents, loin de tout. J’étais prête à vivre une belle expérience !
J’ai récupéré ma valise à l’aéroport puis j’ai rejoins mon collègue qui m’attendait pour m’accompagner à l’hôtel-appartement Oaks Liwa Heights que ma boîte avait réservé pour mon arrivé. Mon collègue m’avait demandé en amont s’il pouvait séjourner avec moi quelques jours, étant donné qu’il avait reçu sa carte d’identité Émirati et que la boîte refusait de prolonger son séjour à l’hôtel. En effet, on ne peut pas louer un appartement sans carte d’identité. Ma boîte pense qu’une fois qu’on la reçoit, on est apte à se « débrouiller » seul pour se loger (alors que non, il faut prendre en compte le temps d’ouverture du compte en banque qui est de deux semaines).
On a pris un taxi de l’aéroport jusqu’à l’hôtel. Cela m’a coûté environ 50 Dirhams (environ 12 euros) pour un trajet de 30 minutes. On est arrivés dans le quartier de Jumeirah Lake Tower, là où se situe l’établissement. J’étais stupéfaite de voir autant de gratte-ciel d’un coup. Ils illuminaient la nuit noire du désert sec de Dubaï.

Malgré la conduite peu prudente du chauffeur, on est arrivés en un morceau. C’est un fait. Ici à Dubaï, les conducteurs sont beaucoup moins prudents sur la route que les conducteurs que j’ai pu côtoyer sur le périph’. J’avais lu ce fait sur un blog donc je n’étais pas plus surprise que ça.
Après avoir rencontré un soucis à l’accueil de l’hôtel avec l’enregistrement, on a pu monter dans la chambre – que dis-je – l’appartement. Il se situait au treizième étage d’un immeuble qui en comptait au moins quarante. J’étais exténuée par les six heures d’avion mais j’avais envie de goûter à cette liberté fraîchement acquise.
Pour ma première soirée à Dubaï, on est donc allé mangé au Kebab (génial). Puis, on s’est rendu au Nola. C’est un bar situé dans un autre hôtel. Je ne sais pas pourquoi mais, en y arrivant avec mon collègue, j’ai senti que j’allais me faire chier ici. Ici, dans ce bar. Ici, à Dubaï. L’ambiance du bar était assez chic. Toutes les personnes présentes étaient sur leur 33. Je faisais un peu tâche avec mon legging, mon surpoids et mes converses qui criaient contre ma volonté que je faisais parti de la communauté LGBTQI+. Heureusement pour moi, j’avais fait mon lissage brésilien avant de décoller donc mes cheveux étaient lisses, plaqués, « normaux ». Cette coupe m’a permis de me sentir moins différente dans un endroit où je ne voyais que des personnes aux cheveux lisses.
On a bu une bière sans enthousiasme, puis on est rentrés à l’appartement.
Voilà le récit de ma première soirée ici. J’avais espoir de réussir à m’épanouir mais ce sentiment s’est vite effacé.
Désillusions
J’avais entendu dire que Dubaï était une ville-monde dans laquelle les gens prospéraient joyeusement. A vrai dire, j’ai plus l’impression que c’est une ville avant-gardiste quant aux droits de l’homme si on la compare avec l’Arabie Saoudite (qui progresse actuellement d’ailleurs) ou le Koweït (ouais parce que c’est pas encore ça au Koweït). Donner le droit à une femme de fumer, de travailler ou de conduire n’est pas censé être applaudi selon moi. Certes, tout n’est pas à jeter mais j’ai été témoin de plusieurs points qui m’ont amené à prendre une décision radicale. Cette ville n’est pas faite pour moi.
L’écologie
L’hypocrisie de cette métropole commence par un surplus de végétation. En effet, il ne faut pas oublier que Dubaï est un désert. La création de cette ville est une catastrophe écologique. Voici un documentaire qui explique comment la ville a été mise en place :
Et pourtant je ne suis pas une activiste écolo, loin de là. Si ça peut te rassurer, il m’arrive de jeter mes mégots de cigarette par terre (non pas que je juge ce qu’ils le font). Mais assister à l’arrosage de tous les buissons, de toutes les pelouses tous les matins c’est assez perturbant. Surtout quand j’ai appris qu’il fallait passer par des usines de désalinisation de l’eau de mer pour pouvoir hydrater ces plantes.

Encore une fois, c’est pas ce qui m’a le plus scandalisé étant donné mon niveau de sensibilité sur ce sujet. Mais ça ne m’a clairement pas laissée indifférente. Ce qui est scandalisant c’est la propagande pseudo-écologiste qui règne et qui commence à s’amplifier à cause du réchauffement climatique. Ce point me rappelle que la première fois que je suis allée acheter au Zoom Market (un équivalent du Franprix), l’employé de supermarché avait emballé mes sac poubelles tout neuf dans un autre sac plastique tout aussi neuf. Cela m’avait étonné mais je n’avais rien dit car j’étais trop timide pour oser parler anglais avec lui.
Racisme et grossophobie
Ici, le racisme ordinaire n’est pas exactement pareil qu’en France. Il est beaucoup plus franc. J’ai malheureusement pu le voir de mes yeux en postulant sur un moteur de recherche d’emploi très connu.
Un de mes cousins venant du Nigéria est venu tenter sa chance à Dubaï. Mon père m’a dit de l’aider comme je pouvais, je me suis donc dit que je postulerais en ligne pour lui. Après avoir refait ses CV, je me suis rendue sur le fameux moteur de recherche et j’ai commencé à postuler. C’est à ce moment-là que j’ai vu ce genre d’offres :

Je pense que ce n’est pas acceptable, surtout dans un pays qui a décrété que 2019 était l’année de la tolérance (… Like, really ? Please try again next year). Je trouve ça écœurant que cette plate-forme laisse les employeurs poster de telles offres discriminatoires. On sait tous très bien sur quels critères s’appuient ces gens pour décider qu’un.e africain.e n’est pas souhaité.e pour le poste proposé. Si t’as le temps, n’hésite pas à faire un tour sur cette plate-forme (extension .ae du site) et à signaler ce type d’offres.
J’avais fait appel à une coiffeuse qui habite aussi à Dubaï pour me faire tresser. Elle m’avait raconté qu’elle ne trouvait pas de travail en tant que coiffeuse. Elle devait donc se rabattre sur des métiers encore moins bien payés ici, comme femme de ménage ou baby-sitter. Elle m’a aussi raconté qu’un jour, elle a raté un entretien dans un salon de coiffure pakistanais car la patronne lui avait reproché d’être grosse et noire.
Dubai Health Authority
J’ai été « victime » de la visite de la Dubai Health Authority chez moi, Jeudi dernier. Autant vous dire que j’étais vraiment pas de bonne humeur car je sortais du boulot et j’avais juste envie d’être seule avec ma clope et ma bière (sans alcool bien-sûr).
Deux femmes sont venues chez moi (dont une infirmière), pour me faire remplir un questionnaire sur mes habitudes alimentaires et sportives (qui sont très mauvaises depuis longtemps, encore plus depuis que je vis ici). Puis, elles m’ont pesés et ont pris ma tension. Elles voulaient prendre de mon sang pour vérifier si je n’avais pas de diabète mais j’ai refusé, c’était trop. J’avais vraiment pas envie de connaître mon poids en plus… Car, oui comme tu peux te l’imaginer, c’est un de mes complexes. Mais bon les institutions de Dubaï en ont décidé autrement et sont venues chez moi pour me faire comprendre que j’étais trop grosse (je fais 103 kg, voilà je l’ai dit, rien à foutre). J’ai trouvé ça intrusif, violent et très gênant.
Enfin, voici la récente péripétie que la coiffeuse qui est devenue une copine m’a raconté autour du thé cette semaine. Je lui ai parlé de cette visite pour le moins grotesque et elle m’a dit que ça arrivait souvent à Dubaï. Elle m’a dit que la dernière fois que la Dubai Health Authority a fait un contrôle dans son Bed Space (un endroit dans lequel elle dort avec d’autres femmes) ils ont prélevé le sang d’une des femmes. Quelques temps plus tard, ils sont revenus chercher la femme en question car ils avaient découvert qu’elle était séropositive. Ils l’ont emballé dans du papier cellophane (littéralement, ceci n’est pas une blague) et l’ont renvoyé dans son pays d’origine.
Esclavage moderne
A priori, je ne vais rien t’apprendre sur l’esclavage moderne, je pense que tu sais ce qu’est ce concept. Si ce n’est pas le cas, je t’invite à te documenter et à demander aux personnes qui t’entourent de t’en dire plus sur ce sujet.

Dubaï est encore une ville en construction et en expansion (vive les îles artificielles !). Malgré les nombreux chantiers abandonnés, il y en a énormément en cours et les ouvriers ne sont ni correctement protégés durant leur travail, ni correctement payés. Tu peux même voir sur la photo d’offres d’emploi plus haut que les salaires ne sont pas très élevés : on se situe entre 1000 et 3000 Dirhams par mois pour un travail précaire -> c’est-à-dire entre environ 240 et 720 euros (1 euro = 4,14687 Dirhams). Dans le quartier dans lequel je vis, le loyer est d’environ 900 euros par mois pour un studio de 40 m² (et ici, on doit généralement payer son loyer à l’année).
C’est pourquoi les personnes qui ont un travail précaire vivent pour la plupart dans des Bed Spaces ( je rappelle que les Bed Spaces sont équivalents à des auberges de jeunesses – c’est pas cher et tu as juste un lit pour dormir) qui sont très éloignés de leur lieu de travail.
J’ai eu l’occasion de parler avec quelques chauffeurs de taxi (oui je prends le taxi ici lorsqu’il faut se déplacer c’est pas cher, et j’ai de mauvaises habitudes de flemmarde). Ils m’ont dit qu’ils étaient payés à la commission et aux tips… Autant te dire que ça semble assez compliqué de prospérer ici lorsque tu es payé avec la commission sur des courses à 100 Dirhams (= 24 euros) maximum…
Les agents immobiliers sont logés à la même enseigne. Je ne sais pas si c’est du au fait que l’offre est plus grande que la demande dans le domaine de l’immobilier (eh oui, la plupart des tours résidentielles ne sont pas remplies à 100%).
Je peux aussi parler des femmes philippines qui sont exploitées comme de la chair à canon et sous-payées. Les employeurs les préfèrent notamment pour les tâches ménagères ou les gardes d’enfants. Sur la plate-forme de recherche d’emploi dont j’ai parlé plus haut, il y a beaucoup de description d’offres comportant la mention « Philippino only ». On m’a dit que c’est parce qu’ils étaient « moins cher » mais je n’en sais pas plus pour le moment. Je n’ai jamais eu l’occasion de parler avec l’une d’elles et j’espère l’avoir. En effet, ça serait intéressant de connaître leurs conditions de travail et ce qu’elles pensent de cette exploitation à peine déguisée.
La précarité est donc quasi-omniprésente pour la plupart des personnes venant d’Asie et d’Afrique qui s’y expatrient malgré que cette métropole soit qualifiée de prospère dans la plupart des médias et blogs.
Un petit mot sur l’homophobie quand même…

Les Émirats Arabes Unis, c’est une monarchie autoritaire (c’est-à-dire, une monarchie absolue). La plupart des pouvoirs important du gouvernement sont donc concentrés dans les mains des monarques. Le pays est découpé en sept émirats et chacun d’eux possède un émir à sa tête. Cette monarchie est basée sur l’Islam, c’est un pays musulman².
Aucune des religions monothéistes n’acceptent l’homosexualité donc il fallait s’attendre à ce que le pays ait une politique anti-homosexuelle agressive. J’avais lu un article sur « Être gay à Dubai » (voici l’article pour celles et ceux que ça peut intéresser ici) et ce que j’ai découvert n’était pas super attirant. En effet, on encourt une peine de 10 ans de prison ferme pour tout acte homosexuel donc autant te dire que je n’aurais pas eu envie de prendre le risque si j’avais été célibataire. Pourtant j’ai quand même vu des femmes qui ressemblaient à des touristes se prendre la main, mais bon dans le doute…
Je n’ai personnellement pas été victime d’homophobie car je suis en relation longue distance – je suis en mode incognito.
Conclusion
D’après mon expérience, Dubaï n’est pas une ville dans laquelle je souhaite m’installer définitivement. Je sais que mon avis est franchement péjoratif mais c’est comme ça que je l’ai vécu. J’aurais pu m’y épanouir en d’autres circonstances mais il s’avère que je suis en couple avec une femme, je suis africaine et je suis grosse.
Néanmoins, j’ai pris conscience de plein de chose ici concernant ma façon de vivre et de voir les autres personnes. Malgré tout, cette aventure m’a aidé à devenir une meilleure version de moi-même.
Sources
1 – Cartoville DUBAI par Nicolas Peyroles – Guides Gallimard 3ème édition
2 – http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/pays/ARE/fr.html
Omowumi Olabisi
le 23 mars 2019 à 11:10
histoire queer racisme émission LGBT repas A TAAABLE ! Etc lgbtqi alimentation journal d'une confinée a table etc vlog la vie en camion journaux de bord camion aménagé anne voyage france vanlife wumi
Wow surprenant comme ville ! Article très intéressant… Je n’aurais jamais imaginé ça.
J’ai lu également ton article sur ton « coming out », je crois qu’il faut faire preuve de patience et de compréhension. Admettre qu’il y a des gens qui ne se feront pas à l’idée ou qui auront toujours du mal.
Etre gay, c’est quelque chose que l’on découvre, que l’on apprends à accepter, à apprivoiser pendant des années, c’est un long processus. On a le temps de s’informer sur le sujet, de se rendre compte qu’être gay n’est rien d’autre qu’un fait.
Mais les autres, la famille, les ami(e)s, les collègues n’ont peut être pas ce niveau de compréhension parce que soit ils regardent l’homosexualité au travers du prisme de leur religion, de leur éducation, de leur peur, au travers des raccourcis qu’ils entendent lors d’un repas de famille, d’une émission TV, d’un reportage à sensation…
Il y a des gens qui se défendent de juger, ils savent accepter même s’ils ne comprennent pas tout. Mais, d’autres n’en sont pas forcément capable, ou ils leur faut du temps…
Ton seul rôle est de faire preuve de la même compréhension que tu attends de ta soeur, ton frère, tes parents, tes ami(e)s ou toute autre relation qui compte à tes yeux.
Le rejet fait mal, mais briser définitivement une relation quelle qu’elle soit, c’est pire, crois-moi. 🙂
Je te souhaite de belles aventures.
Belle journée à toi!
Coucou Alice 🙂
Je trouve ton conseil très pertinent, j’ai eu cette pensée aussi il y a quelques jours. Il faut effectivement que je fasse preuve de cette compréhension que j’attends d’eux ! Merci d’avoir pris le temps de lire ces articles. Je te souhaite de très belles aventures à toi aussi 😀
Très intéressant, merci!
Merci à toi pour ton retour 🙂
[…] vécu toute ma vie à Montreuil (comme je le dis dans mon article précédent). Et un jour, on me propose de partir travailler, vivre dans un autre pays. Ça tombe bien. […]