Chapitre 4 – Bibiche

La pleine conscience

Posons une base claire : je suis la personne la plus intelligente au monde ! Du moins… J’en étais convaincue avant de maturer et de rencontrer d’autres esprits tout aussi complexes que le mien. Désormais, j’admets qu’il y a d’autres formes d’intelligence qui valent la curiosité. Je reconnais leur déploiement dans des sphères différentes de la mienne mais je refuse sans négociations leur supériorité. Je suis aussi, sans aucun doute, la personne la plus bête qui puisse exister ! Ça n’a pas de sens n’est-ce pas ? Et pourtant…
En fonction des domaines, de mon intérêt, de mon état mental, du cycle dans lequel je me trouve, de l’environnement et des personnes, j’alterne de façon discrète entre ces pics. Tantôt brillantissime et tantôt surprenante de médiocrité. Nous pouvons partir de ces deux postulats et passer directement à l’étape où, dans le respect de nos intelligences respectives, nous partageons et explorons le champs des idées et des possibles. Ce champ où ensemble nous brûlons de la même angoisse éreintante et suffocante du doute. Ou, nous pouvons brûler du temps et de l’énergie à essayer de maîtriser la gêne que ces déclarations créent en vous. Les questions qu’elles vous obligent à vous poser. La haine, la frustration ou l’incompréhension qu’elles vous obligent à ressentir.

Je n’aurais aucune difficulté à prendre le temps de décortiquer ces émotions et ces informations avec vous mais, ne vous y trompez pas, je ne le ferai que si j’estime que votre cerveau en vaut la peine. Parce que, soyons d’accord sur cette troisième base : en général, je ne fais quelque chose, brillante ou médiocre, que si et seulement si j’estime que c’est amusant pour mon cerveau. Avec ces trois clés en mains, vous avez déjà la possibilité de décider si vous m’aimez ou pas.

Ne vous inquiétez pas, en 28 ans de vie, il n’y a que 4 ou 5 personnes qui ont réussi à cocher la case « on l’aime bien ». Pour dire … Si jamais vous décidiez que vous ne m’aimez pas, vous ne seriez qu’un élément en plus dans une liste longue de quelques milliers. Abrutis finis. Vous ne savez pas ce que vous ratez.
Maintenant que ça c’est dit, où est ce qu’il est intéressant de commencer cette histoire ? Cherchons les points de rupture.
Ah ! J’en ai un !
Prenons la gifle sèche que mon professeur de Mathématiques m’a appliqué sur la joue droite en classe de quatrième lorsque j’ai osé lui dire qu’il avait tort dans la résolution d’un exercice. J’avais tort et il avait raison, si c’est ce qui vous inquiète. Mais ça c’est un détail. Ce qui est vraiment important, c’est ce qui s’est passé avant et après cette gifle.

Avant la gifle, j’avais eu le temps d’être parmi les élèves les plus brillantes de mon école pendant mes premières années d’études pour progressivement décrocher mon attention et embrasser l’ennui profond que je pouvais ressentir pour ce système éducatif. Je m’étais laissée enfermer comme dans une chrysalide dans le fil du temps, me nourrissant goulûment de tout ce que je pouvais trouver à lire avant, pendant, après les cours. Avant, pendant et après la vie tout court.

Deux semaines avant cet évènement, nous avions eu avec cet enseignant un contrôle et, comme à mon habitude, j’avais complété les bribes d’informations que j’avais pu tirer du brouillard confus des cours avec la puissance de mon esprit créatif. Une semaine plus tard, au moment de remettre ma copie, il avait demandé en lisant mon nom à haute voix de qui il s’agissait. Je m’étais levée du fond de la classe où j’avais élue domicile et il avait dit à ses petits génies, assis à ses pieds pour mieux respirer l’air directement sorti de sa bouche : « Méfiez-vous de celle-là ! ».
Mon cœur avait fait un bond. Un qu’il n’avait plus fait depuis longtemps. M’avait-il reconnue ? Avait-il vu que perdu dans la brume de mon ennui, se terrait un potentiel immense qui ne demandait qu’à être défié ? Nourri ?
C’est ce que j’avais alors pensé et c’est cette erreur qui m’avait poussée à écouter un peu mieux, un peu plus souvent. C’est la même erreur qui m’avait obligée à parler.

Après la gifle, j’ai décroché définitivement. Sans doute plus inconsciemment que par choix. Le système n’était pas fait pour les gens comme moi. J’ai retrouvé mes livres, des nouveaux jeux, je connaissais les règles et je n’avais plus qu’à attendre la fin. Ça a duré encore quelques années avant le bac. Puis… Le second point de rupture est arrivé à l’université. Découvrir des domaines, des univers aux possibilités aussi immenses m’a réveillée. Je les ai embrassés sans hésitation, j’y ai navigué avec assurance mais sans projection, et sans attente.
C’est pendant ces années que je me suis regardée en face et que j’ai regardé les autres. C’est également pendant ces années que j’ai vraiment rencontré les autres, Maternelle et Ornella. Maternelle qui se cache et Ornella qui travaille. Ces deux femmes à des niveaux différents et pour des raisons différentes attisent, chacune à sa façon et chacune dans des sphères qui leurs sont propres, ma curiosité. Une marée de complexité humaine que j’aimerai éveiller.

Ce troisième accident dans le temps est celui qui nous mène ici, moi Bibiche, qui accepte avec plaisir de me plier à un exercice pour mes sœurs de cœur.
Je m’arrête ici, je suis certaine que nous aurons l’occasion d’explorer l’autre facette. Celle qui évolue dans le noir et ne connait qu’un seul mot « le doute ».


le 22 janvier 2021 à 2:27

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